Quelle Algérie voulons-nous ?
par Rabah Naceri
L’Algérie est en train de vivre une crise profonde jamais connue depuis l’Indépendance qui met en péril sa stabilité et son devenir. Les ingrédients sont présents, et les signes d’une explosion sociale sont visibles.
Alors que l’urgence est signalée pour engager une sérieuse réflexion pour ramener le calme et la sérénité à la suite des évènements sanglants qui ont lieu dans plusieurs régions du pays et, à un degré plus intense en Kabylie, le Pouvoir multiplie ses exactions et ses fuites en avant en faisant comme si de rien n’était.
Il a fallu attendre dix mois d’enfer, enregistrer plus d’une centaine de morts par arme de guerre et plus de 7 000 blessés (et la liste continue de s’allonger), dont certains seront handicapés à vie, pour que le Président daigne s’adresser au peuple un certain 12 mars. Un discours qui, malheureusement, n’a convaincu ni les citoyens ni la classe politique.
Le peuple a espéré des signes forts de la part du Président comme la levée de l’état d’urgence, le report des élections législatives et la mise en place de structures de transition pour une véritable alternative démocratique. Au lieu de tout cela, il fait un discours terne où il a enfermé le mouvement citoyen dans une région dont la revendication principale serait d’ordre linguistique ; et bien plus, il persiste à maintenir les élections législatives pour le 30 mai dans une ambiance d’insurrection en faisant de cette échéance électorale un objectif immuable. Ces élections sont perçues par le mouvement citoyen comme une provocation de plus du Pouvoir pour pousser davantage au radicalisme, donc au pourrissement. La population garde toujours les séquelles du traumatisme de la fraude massive des élections de 1997 et qui, de surcroît, n’ont rien réglé. Pis encore, la population, consciente des enjeux que représentent ces élections, est convaincue que c’est une énième manoeuvre du Pouvoir pour pérenniser un système obsolète et violemment décrié, d’autant plus que les quotas des sièges sont déjà arrêtés.
Autrement dit, la population revendique avec force et violence une rupture avec le système en place pour une véritable citoyenneté et s’échapper de cette « sous-citoyenneté » dans laquelle l’ont confinée jusque-là les tenants du pouvoir. A mon sens, différer la date de ces élections ne sera perçu que comme un signe fort de bonne volonté politique et, parallèlement, engager une sérieuse réflexion pour la mise en place de structures de transition à même de réhabiliter le politique et s’engager enfin vers une alternative démocratique pour une véritable sortie de crise.
Quant aux partis qui persistent à participer aux élections, même sans une partie de l’Algérie, assumeront la responsabilité historique de pousser le pays vers le chaos, d’avoir apporté la légitimité nécessaire et tant recherchée à ce système qui lui permettra par là même de se reproduire. Ce qui va à contre-courant de la volonté populaire et du mouvement citoyen. Il est grand temps, pour ne pas dire trop tard, que les tenants du pouvoir et les candidats aux postes placent l’intérêt du pays au-dessus de l’intérêt individuel et daignent enfin accorder une attention particulière à cette jeunesse – adulte qui constitue les deux tiers de la population nationale. Une jeunesse qui ne demande qu’à être associée aux destinées de notre pays et de lui permettre d’être au rendez-vous pour la reprise du flambeau allumé un certain 1er Novembre 54.
Jeudi 15 décembre 2005
Rabah Naceri
Ancien P/APW de Béjaïa
1997 – 2002