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Corruption : l’indépendance des institutions de contrôle
Corruptions : L’INDÉPENDANCE DES INSTITUTIONS DE CONTRÔLE |
La prévention doit occuper une place essentielle dans la lutte contre la corruption. Les institutions de contrôle sont des instruments de cette prévention. Quels sont le rôle et les missions des institutions de contrôle dans la lutte contre la corruption ? Il y a une diversité des institutions de contrôle et différents niveaux d’exercice : le contrôle législatif, le contrôle juridictionnel et le contrôle lié à l’Exécutif. Est-ce que ces différentes institutions disposent d’autonomie, d’indépendance et de moyens d’action nécessaires à la réalisation de leurs objectifs ?
Si la séparation des pouvoirs est inscrite dans la Constitution algérienne, elle n’est pas effective dans la réalité et est souvent violée par le pouvoir en place. Cela rend aléatoire le bon fonctionnement des institutions de contrôle. Quelles sont les conditions à réunir pour que ces institutions soient plus efficaces ? Elles doivent être définies par une réglementation claire qui garantisse leur indépendance et qui leur assure les moyens de leur mission. Par ailleurs, ces institutions doivent fonctionner de manière transparente et rendre publics les résultats et les rapports des contrôles effectués. Parmi les instruments dont doit se doter un État pour prévenir et punir la corruption, figurent les institutions de contrôle. Ces institutions sont multiples et différentes quant à leur mission et à leurs moyens d’action, mais complémentaires dans leurs objectifs. Très souvent, elles sont prévues par la Constitution et sont liées aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Leur existence ne signifie pas pour autant qu’elles sont indépendantes, même quand la loi consacre cette indépendance.
Le contrôle juridictionnel indépendant de l’exécutif
Le Conseil constitutionnel est la première juridiction de contrôle. Chargé de veiller au respect de la Constitution, il contrôle la conformité, par rapport à la loi, des opérations de référendum et de certaines élections, la régularité des comptes de campagnes présidentielles et législatives notamment. Il peut aussi se prononcer sur la constitutionnalité des traités, des lois et des règlements. Le contrôle juridictionnel est presque partout organisé autour d’une Cour des comptes – juridiction financière qui est chargée du jugement des comptes publics à travers un organe central et des chambres régionales. Certains pays sont également dotés d’une Cour de discipline budgétaire et financière dont le rôle est à la fois disciplinaire et pénal. Un de ses rôles est notamment de sanctionner les fautes de gestion commises par les ordonnateurs à l’égard de l’État et des collectivités publiques. Le contrôle administratif est généralement articulé autour de deux types de structures : des structures à compétence transversale et des structures à compétence verticale. Les institutions à compétence horizontale se retrouvent généralement à un niveau de l’État où elles sont domiciliées et où elles interviennent pour le compte des autorités centrales. Les structures à compétence verticale sont rattachées à des départements ministériels et sont placées sous l’autorité des ministres (l’inspection interne des ministères telle que l’inspection des affaires administratives et financières, l’inspection technique, l’inspection générale des finances, l’inspection des services judiciaires, etc.). D’une manière générale, le contrôle de l’administration est partout inspiré de la même démarche et présente toujours les mêmes caractéristiques. Les missions de ces institutions sont définies par des textes réglementaires adoptés par le pouvoir exécutif (décrets présidentiels et décrets exécutifs) et leurs rapports ne sont malheureusement pas rendus publics.
Le contrôle parlementaire au cœur du pouvoir législatif
La mise en œuvre du contrôle parlementaire se fait à travers plusieurs instruments définis par les lois organiques. Le Parlement vote le budget de l’État et la loi de finances ou la loi de finances complémentaire. Il est habilité à transmettre des questions écrites ou à poser des questions orales au gouvernement. Il peut instituer en son sein des Commissions d’enquête parlementaires. Il votera aussi la loi de règlement budgétaire quand celle-ci sera instituée (projet en cours de préparation au niveau du gouvernement). L’analyse critique de l’organisation et du fonctionnement des systèmes de contrôle doit permettre d’identifier les obstacles à l’exécution de leur mission et à leur efficacité, et surtout de prendre des mesures pour renforcer leur rôle. À ce niveau, il faut souligner la grave compromission de l’indépendance du contrôle du juge de l’administration du fait des effets combinés de plusieurs faiblesses notées dans le système. Souvent, la nomination concurrente des magistrats, par le pouvoir exécutif et par le corps judiciaire, ne favorise pas l’indépendance de la Cour des comptes vis-à-vis de l’Exécutif. Les prérogatives inégalement partagées entre les divers membres du Conseil supérieur de la magistrature favorisent cette compromission. La représentation inégale au sein des institutions de contrôle, entre les membres élus par leurs pairs, à leurs dépens, et les membres désignés par le gouvernement, ne leur permet pas un bon fonctionnement. Par ailleurs, la diffusion très insuffisante, partielle, voire inexistante, des rapports de la Cour des comptes ne joue pas en faveur de la transparence dans les travaux de l’institution. Les moyens souvent insuffisants mis à sa disposition, c’est-à-dire une logistique défaillante, des salaires peu attrayants, une promotion aléatoire de ses magistrats, des effectifs réduits – limitent considérablement la portée et le champ d’action de la Cour des comptes. Son indépendance peut aussi être compromise par une gestion des carrières de ses magistrats, de nature à renforcer leur subordination. Si la Cour des comptes est prévue dans la Constitution, les textes qui définissent ses missions et son règlement intérieur sont élaborés et approuvés par le seul pouvoir exécutif. Cela permet à ce dernier d’éviter le vote d’une loi par le Parlement et limite, par conséquent, les missions et les objectifs de la Cour des comptes. La situation du contrôle administratif est peu reluisante et fait apparaître des faiblesses notoires. L’absence d’indépendance des structures de contrôle, du fait de leur incapacité à s’autosaisir et le fait qu’elles soient juges et parties rendent caduque leur efficacité. La non-application des directives contenues dans les rapports conforte l’impunité des personnes mises en cause, qui continueront d’agir sans pouvoir être inquiétées. Le manque de diffusion des rapports destinés aux seules autorités administratives de tutelle favorise l’opacité des travaux et le nonaccès du public à l’information. De plus, la grande atomisation des structures de contrôle aggrave la confusion et les dédoublements d’intervention, compromettant leur efficacité. Le mode, très souvent non objectif, de nomination des contrôleurs est de nature à faire perdre toute crédibilité au contrôle. La fragilité de la fonction de contrôleur – par l’absence de garantie statutaire et de protection contre l’atteinte à son intégrité physique – ne contribue pas à rendre ce métier attrayant. L’insuffisance chronique des moyens d’action pour ces institutions de contrôle est aussi souvent utilisée pour limiter leurs missions. L’efficacité du contrôle parlementaire est sérieusement mise à l’épreuve du fait d’une série d’obstacles et de contraintes. L’indépendance et l’objectivité du contrôle parlementaire peuvent être compromises du fait du phénomène du parti majoritaire, surtout quand cette majorité est écrasante et que l’opposition n’a pas la possibilité de s’exprimer. L’absence d’expertise et l’incompétence de certains élus sont un frein à la qualité et à la pertinence du contrôle, ce phénomène étant aggravé par une forte tendance à la professionnalisation du mandat parlementaire. La persistance de l’inclination au clientélisme et la forte accentuation des conflits d’intérêts sont des obstacles fréquents à la mission du contrôle parlementaire. Il arrive parfois que des commissions d’enquête soient mises en place, grâce à la détermination de l’opposition et au poids de l’opinion publique, relayés par les médias indépendants, et ce, malgré les tentatives de blocage orchestrées par la majorité parlementaire acquise à l’Exécutif. Ce dernier mobilise tous ses moyens pour empêcher que ces commissions fassent aboutir leur enquête. Même quand le rapport de la commission est finalisé, l’Exécutif fait tout pour ne pas tenir compte des conclusions du rapport, ou fait traîner leur mise en application. C’est ce qui explique que le Parlement souffre encore d’un déficit démocratique dans leur fonctionnement, notamment dans leur mission de contrôle, et n’a jamais réussi à gagner la confiance des électeurs. Le retard enregistré par les institutions de contrôle en Algérie est très important. Il est dû, en grande partie, à l’absence effective de séparation des pouvoirs, pourtant consacrée par la Constitution, et donc du poids dominant et exclusif de l’Exécutif. L’efficacité des institutions de contrôle est tributaire des avancées démocratiques de la société, de la volonté politique de l’Exécutif et de la liberté d’expression des médias.
Djilali Hadjadj
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