Le trésor des Remparts des Oliviers
Posté par Rabah Naceri le 11 avril 2021
Avec la permission des administrateurs du groupe « Babzman » sur facebook, je reprends un bel article sur l’histoire de ce trésor que, certainement, beaucoup de jeunes Bougiotes ne connaissent pas.
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Une coupure de presse d’un journal « l’Echo de Bougie« , datant du 31 décembre 1905, relate la découverte d’un trésor au niveau de la Rampe des Oliviers lors des travaux de terrassement pour la construction de la maison Gotuso. Ce trésor était constitué de 329 pièces d’or et deux « ikhelkhalènes » (bracelets).
Le contenu intégral de l’article du 31 décembre 1905, Echo de Bougie
« Tout bougie n’a parlé, pendant quelques jours, que de la découverte du trésor, enfoui, dans les ruines à flanc de côteau au-dessus de la rampe des Oliviers et que les travaux d’édification de la maison Gotuso ont été mis à jour, le mardi 10 courant.
On sait que, 329 pièces d’or et deux khalkales (ou bracelets de pieds) pesant en tout 3 kilos et 92 grammes d’or, composaient l’ensemble de ces trouvailles.
Bien des gens en apprenant cette découverte sont se bornés à supputer la valeur commerciale du magot…D’autres, plus intellectuels, se sont demandés de quelle époque dataient ces pièces arabes et ces morceaux d’orfèvrerie massives, et par quel hasard étrange gisait, dans cet endroit-là, au milieu d’un éboulis de vieille muraille, cette marmite où dormait une petite fortune.
C’est pour satisfaire les personnes avides de connaitre les choses du temps passé que je vais retracer l’histoire de Bougie à l’époque où ces pièces ont brillé au soleil… il y a 7 siècles passés.
Une « marmite » arabe
Les pièces d’or trouvées sont de deux dimensions, les petites portent au recto les inscriptions arabes suivantes, en exergue:
“Abou Mohamed Abd El Moumen ben Ali, Prince des croyants. Louange à Dieu Maitre de l’Univers. »
Puis, dans un carré au centre: « El Mahdi pontife du peuple, celui qui tient la main à l’exécution des ordres de Dieu. »
Au verso ; en exergue :
« Au nom de Dieu Clément et Miséricordieux. Que dieu accorde la Bénédiction et le Salut à Mohamed et sa sainte famille purifiée. »
Puis dans un carré au centre : « Il n’y a de dieu que Dieu, Mohamed est son prophète.«
Les grandes pièces portent au recto, en exergue : « Le prince éminent Abou Abdallah Mohamed ben Ali. Le prince des croyants.«
Puis, dans un carré au milieu : « Celui qui tient la main à l’exécution des ordres de Dieu : Le kalife Abou Mohamed Abd El Moumen Ben Ali, prince des croyants. »
Au verso on lit en exergue : « Dieu est unique. Il est notre Dieu. Il est Clément et Miséricordieux. Il n’y a de Dieu que Lui ».
Dans un carré au milieu : « Au nom du dieu Clément et Miséricordieux. il n’y a de Dieu que Dieu. Mohamed est l’envoyé de Dieu et Mahdi est pontife du peuple ».
Histoire et origine du trésor
Voila ! Le mystère est dévoilé. Ces pièces sont au nom de Abd El Moumen Ibn Ali, premier sultan de la dynastie des Almohades fondée par son père Mohamed Ibn Toumert, le théologien musulman qui prétendait être le seul a bien prêcher l’unité de Dieu.
Les Almohades régnèrent sur la moitié de l’Espagne, sur le Maroc et sur le royaume de Tlemcen, et Abdel Moumen se proclama sultan à Tlemcen en 1130.
Sous prétexte d’interdire le culte des marabouts, qu’il traitait d’idolâtrie, il entreprit la conquête de tout le nord de l’Afrique. Il marcha sur Bougie, alors dans toute la splendeur de la prospérité de ces cent milles habitants. Au plein cœur de l’hiver, il traversa le Djurdjura et arriva les premiers jours de mars dans la vallée de l’oued-sahel avec une armée formidable.
Le sultan de Bougie, Sidi-Yaya, surpris n’eut pas le temps d’organiser la défense de la ville et marcha au devant de Abd El Moumen pour lui barrer le passage.
Le sultan Sidi-Yaya fut battu à Taourirt-El Arba (là où s’élève le monument du tombeau de la neige), il s’enfuit à Bougie et s’embarqua avec ses femmes et ses trésors qu’il transporta à Tunis, où il s’en fut implorer asile, abandonnant à Bougie tous ses partisans.
Abd El Moumen, vainqueur, fit son entrée solennelle sans résistance, et fut acclamé par la population de la ville.
Il pénétra dans Bougie par la porte de la « Kasbah », qui s’appelait alors Bab-Dar-Senaa, ou Porte de l’Arsenal, parce que le chantier de construction des navires était au bas de cette porte depuis l’an 1068.
Abdel Moumen était fastueux, il fit de Bougie une ville de fête et de débauche. Son sérail du Ksar Louloua (palais de la Perle), magnifique palais qui avait été bâti pour les femmes (en 1090) sur la colline où se trouve actuellement l’hôpital militaire, fut un lieu de séjour absolument enchanteur.
Abdel Moumen mourut en 1163 après avoir régné 11 ans sur Bougie, sans y séjourner en permanence, partageant son temps entre cette ville de plaisir et Tlemcen, sa capitale politique d’où il administrait le Maroc et le sud de l’Espagne.
Voila pour l’histoire du Sultan qui fit frapper les pièces d’or de la maison Gottuso ; mais comment la marmite qui les contenait se trouva-t-elle enfouit sous les éboulis de construction où on l’a retrouvée ?
Un trésor bien caché
Tout ce que l’on peut dire, c’est que 20 ans après El Moumen, en 1183, un nouveau Sultan conquérant assaillit et s’empara de Bougie. C’était le Sultan du Maroc El Ghania.
Bougie eut à soutenir un long siège et fut prise d’assaut ; une mise à sac en règle qui dura 3 jours.
La marmite, ses pièces d’or, et ses riches « Khalkhales » étaient sans doute le trésor particulier et secret de quelques favorites du sérail, qui dut subir les conséquences multiples des dures lois de la soldatesque triomphante, et qui mourut sans doute, sans révéler à personne la cachette où a dormi plus de 700 ans dans les ruines du sérail, ce trésor qui fit jaser tant de gens, et qui m’a procuré le plaisir de vous narrer un peu de la splendeur et les revers passés de notre chère cité. »
Mira. B.G
Sources :
- Récit de GASTON MARGUET, paru dans l’Echo de Bougie le 30 décembre 1905
- Illustration : Coupure de l’Echo de Bougie du 30 décembre 1905
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