A Bgayet, le patrimoine culturel se meurt
Posté par Rabah Naceri le 26 février 2016
« Connaissez-vous Bgayet (qui est son nom originel ou bien Bejaia ou Bougie) ? »
Si on posait cette question à n’importe quel Algérien, on nous répondra que c’est une très belle ville côtière, accueillante et dont l’hospitalité de ses habitants est légendaire. Que c’est une ville de culture et d’histoire. Certains nous donneront même des leçons sur le passé millénaire de cette célèbre ville où chaque pierre est un témoin d’un passé glorieux et de grands évènements culturels et scientifiques.
Il n’y a pas un responsable, d’ici ou d’ailleurs, qui passe par cette ville et qui ne fait pas l’éloge de la grandeur de cette ville, de sa population et de la richesse inestimable de ses vestiges historiques qui font de cette ville et de ses environs, un immense musée à ciel ouvert.
Partons à la découverte de quelques vestiges qui continuent de résister à l’érosion du temps et au laxisme destructeur des responsables chargés de les protéger, voire de les restaurer.
La Porte des Étendards ou Bab El-Fouqqa
A partir de « Lekhmiss » (grand quartier de la plaine ou du camp inférieur de la ville), nous rencontrons un panneau indicateur lumineux qui nous guide vers le quartier historique de Bgayet. C’est une excellente initiative de la part des responsables locaux car elle vient réparer un oubli de plusieurs décennies qui nous renseigne sur le peu d’intérêt accordé au patrimoine culturel par tous les responsables du secteur de la culture et de celui du tourisme qui ont défilé depuis l’indépendance à ce jour.
Le site historique, le plus proche car il est situé au centre-ville, est la Porte des Etendards et quelques mètres qui restent de la muraille datant de l’époque hammadite. Quand on arrive sur les lieux, le moins averti des visiteurs remarquera les fissures qui ne cessent de s’élargir, des pierres qui commencent à tomber en laissant des creux sur la muraille, de vulgaires câbles électriques qui avilissent le vestige, etc… Et pourtant, on se rappelle encore les déclarations de l’ancien directeur de wilaya de la culture, Mourad Nacer, qui affirmait publiquement, par les ondes de la radio-Soummam, qu’un dossier de restauration est ficelé et adressé au ministère de la culture. Selon le même responsable, un budget conséquent est affecté à cette opération dont le lancement des travaux est imminent. Tout cela s’est passé durant les années 2000, et nous sommes en 2016 sans qu’aucun signe de restauration n’ait été constaté.
Visiblement, la seule passation de consigne qui se fait entre deux directeurs de la culture dans cette wilaya est celle de la perpétuation de l’oubli et de laxisme. Je vous laisse apprécier la série de photos qui expriment mieux que moi l’état d’abandon de ces lieux qui sont les témoins d’une grande cité et un lumineux centre de rayonnement culturel, cultuel, politique et scientifique.
Comme le montre si bien la seconde photo, c’est une vulgaire plaque métallique complètement rouillée qui a servi de support à la mémoire patrimoniale à ce haut lieu d’histoire. C’est devant cette majestueuse Porte que le prince Moulay Nacer venait, en fin de journée, observer la beauté des vergers et des jardins de la plaine sous un magnifique coucher du soleil.
Entre un bar et un bar, une tour historique
Je me suis toujours interrogé sur le silence des élus locaux, des anciens défenseurs de la souveraineté nationale du temps du parti unique et des responsables de wilaya de la culture sur cette tour qui est encerclée par deux bars. Cette tour, pour ceux qui ne le savent pas, date de l’époque hammadite et qui servait de poste d’observation de toute manoeuvre et activités maritimes ou arrivée de navires par la mer. La mer, à cette époque, venait se jeter au pied de cette muraille.
Ces deux bars qui encerclent ce beau vestige historique ont été construit depuis l’époque coloniale. En observant les matériaux avec lesquels sont construits ces établissements, essentiellement en bois, nous devinons aisément que les gérants n’ont bénéficié que d’autorisations précaires et révocables. Autrement dit, ces deux baraquements peuvent rasés sans aucune opposition légale ou préavis règlementaire.
La France coloniale était dans son rôle en élaborant un diabolique programme d’effacement des repères culturels et hsitoriques pour désorienter la population autochtone dans la perspective d’un remodelage mental. Mais après l’indépendance, pourquoi nos dirigeants, surtout les grands inventeurs de l’article 120, n’ont jamais essayé de raser ces deux débits de boissons alcoolisés pour mettre en valeur cette belle tour hammadite.
Encore une énième interrogation : pourquoi tous ces directeurs de wilaya de la culture qui ont défilé dans notre wilaya dont certains sont de la région, les nombreux ministres de la culture qui claironnaient la grandeur de cette ville de culture n’ont-ils jamais initié la moindre action de réhabilitation de ce vestige historique qui feraient retourner dans leur tombe tous les savants et les nobles personnalités qui ont vécu dans cette belle cité du savoir et de la culture ?
La suite du massacre arrivera bientôt…
Publié dans 1. AU JOUR LE JOUR | Pas de Commentaire »